Citation de Boileau sur la règle des trois unités : la formulation exacte

La règle des trois unités n’apparaît dans aucun texte de loi littéraire du XVIIᵉ siècle. Boileau, pourtant considéré comme son principal codificateur, n’a jamais formulé cette règle sous la forme rigide souvent citée aujourd’hui.

Le passage clé se trouve dans l’Art poétique, chant III, publié en 1674. La formulation exacte de Boileau diffère des interprétations postérieures, révélant un écart entre la prescription originelle et l’usage établi par la critique classique.

Le classicisme français et la naissance des règles du théâtre

Au fil du XVIIᵉ siècle, le théâtre classique s’impose comme une référence d’ordre et de mesure dans la littérature française. L’époque ne laisse rien au hasard : la doctrine classique se forge dans la conviction que la création dramatique doit répondre à des principes hérités de l’Antiquité mais repensés à la lumière des attentes modernes. Ce climat d’exigence façonne la pratique du théâtre : dramaturges et critiques, inspirés par la grandeur du siècle de Louis XIV, se penchent sur la question de l’unité dans la tragédie.

Peu à peu, trois exigences se dessinent : unité d’action, unité de lieu, unité de temps. Ces règles n’ont rien d’accessoire : elles visent à offrir au spectateur une intrigue cohérente, crédible, qui maintient l’illusion sans faiblir. Sous la plume des poètes, deux mots guident la démarche : raison et imitation de la nature. Il ne s’agit pas de brider la sensibilité ou l’émotion, mais d’ancrer le drame dans une structure limpide, capable de convaincre un public toujours plus attentif à la vraisemblance des histoires racontées sur scène.

À Paris, la règle des trois unités devient un terrain de joute intellectuelle. La Comédie-Française voit se succéder les œuvres de Corneille, Racine, Molière : chacune témoigne, à sa façon, des tensions entre respect de la norme et liberté inventive. Les traités, préfaces et pamphlets abondent, révélant combien la réflexion sur l’unité dramatique occupe les esprits. Cette exigence d’unité, loin de n’être qu’une contrainte, façonne durablement l’histoire de la littérature et donne au théâtre français une identité singulière.

Voici les trois unités telles qu’elles se sont imposées :

  • L’unité d’action : une intrigue principale, débarrassée des fils secondaires qui viendraient brouiller la lecture du drame.
  • L’unité de lieu : toute l’action se concentre dans un seul espace, souvent un lieu public ou le décor d’un palais.
  • L’unité de temps : l’histoire se déroule en vingt-quatre heures ; tout commence, tout se joue, tout se résout en une journée.

Pourquoi Boileau a-t-il formulé la règle des trois unités ?

Les discussions sur les formes du théâtre agitent le xviie siècle. En 1674, Boileau publie le chant III de l’Art poétique, un texte qui s’impose aussitôt comme référence. Boileau ne cherche pas à imposer une invention : il assemble, il synthétise. Son inspiration ? Aristote, bien sûr, mais aussi l’observation du théâtre français et la relecture de l’Antiquité grecque. Le classicisme revendique l’imitation des Anciens, mais il entend également imposer au théâtre une structure solide et lisible.

La poétique de Boileau s’adresse autant aux auteurs qu’aux spectateurs. Il s’agit, d’un côté, d’assurer la cohérence et la vraisemblance de l’œuvre ; de l’autre, d’établir une norme qui permette à la littérature française de rivaliser avec les plus grands modèles antiques. Boileau ne théorise pas dans l’abstrait : il écrit pour un public cultivé, friand de justesse et d’équilibre.

Pourquoi appuyer la règle des trois unités ? Boileau observe que l’accumulation d’histoires parallèles, la multiplication des lieux ou l’allongement du temps nuisent à la tension dramatique. Il défend alors une vision du théâtre où l’intrigue unique, le décor unique, la durée brève, forcent la densité et l’intensité du propos. Cette synthèse, nourrie de tradition mais ouverte à l’innovation, vise à donner au théâtre français une légitimité qui ne doit rien au hasard.

Scène de théâtre vue du public avec script de Boileau ouvert

La citation exacte de Boileau et son influence sur Racine et le théâtre classique

La formulation exacte de la règle des trois unités, telle que Boileau l’exprime dans le chant III de l’Art poétique (1674), a marqué les esprits. Ce vers, souvent cité, résume la rigueur du théâtre classique :

« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli

Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »

En quelques mots, Boileau fixe la triple exigence : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Pas de place pour la dispersion ou les intrigues secondaires : le dramaturge concentre tout dans un espace, en vingt-quatre heures, autour d’un seul nœud dramatique.

Les conséquences sont concrètes. Racine, dans Phèdre ou Andromaque, tire parti de cette structure : l’intrigue se tend, tout s’enchaîne sans détour, la tragédie ne lâche jamais sa prise. Les dramaturges du xviie siècle se mesurent à ce modèle, tout en cherchant parfois à en repousser les limites. Boileau, véritable trait d’union entre Aristote et la scène française, influence aussi bien la création que la théorie. Même Corneille, parfois critique envers la règle, finit par composer avec les attentes d’un public élevé sous le règne de Louis XIV.

Ce socle formel résiste au temps. Lorsque le romantisme, mené par Victor Hugo dans la préface de Cromwell, bouscule les canons, il le fait en prenant appui sur ces mêmes principes. Par la force de sa formulation, Boileau inscrit la règle des trois unités dans l’histoire, offrant au théâtre français une empreinte qui ne s’efface pas d’un revers de main. Aujourd’hui encore, la scène française continue de dialoguer avec ces lignes gravées dans la mémoire collective.

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