Objectif affiché : briser le plafond de verre d’un accès verrouillé, ouvrir les portes de la médecine à des profils qui, hier encore, n’auraient même pas tenté leur chance. Sur le papier, le pari de la réforme est ambitieux. Mais derrière les chiffres et les slogans, une autre réalité s’invite dans les amphis : celle d’un parcours où la sélection a changé de visage, mais pas de rigueur.
Depuis la rentrée 2020, le paysage de l’accès aux études de santé en France a été profondément remanié. Exit le numerus clausus strict, place à une pluralité de filières qui proposent des modes d’accès variés : PASS, LAS, SpS. Pourtant, selon l’université où l’on postule, les modalités de sélection n’ont pas encore été totalement harmonisées. Résultat : la carte des opportunités dépend encore trop souvent du code postal.La communication officielle évoque une ouverture sans précédent, mais la réalité du terrain est bien plus nuancée. Le taux de réussite en première année reste bas, et les lignes n’ont pas bougé partout. Les étudiants doivent composer avec une mosaïque de critères, de passerelles et d’attentes, où chaque détail compte.
Études de médecine en France : ce qui a changé et comment ça fonctionne aujourd’hui
Depuis 2020, la suppression du numerus clausus a profondément modifié les règles du jeu pour celles et ceux qui visent le métier de médecin, de pharmacien, de dentiste ou de sage-femme. Désormais, les universités appliquent le principe du numerus apertus : c’est désormais le nombre de places disponibles qui s’adapte chaque année, en fonction des besoins des territoires, calculés par les Agences régionales de santé (ARS) et les établissements. L’objectif ? Rapprocher la sélection de la réalité des besoins et proposer plus de flexibilité, sans édulcorer l’exigence demandée pour franchir le cap de la deuxième année.
Pour s’engager dans cette voie, deux principales options sont possibles :
- Le PASS (parcours d’accès spécifique santé) combine une majeure santé et une mineure dans une autre discipline, une formule qui garde une porte de sortie en cas de réorientation,
- La LAS (licence avec option accès santé) propose, elle, d’ajouter l’option santé à une licence classique.
Le concours unique appartient au passé. Aujourd’hui, les bancs des amphis réunissent des profils venus d’horizons variés : scientifiques aguerris, littéraires motivés, étudiants en reconversion. Mais la compétition ne s’est pas adoucie pour autant : environ 20 % des candidats accèdent à la deuxième année, avec des variations notables selon les choix locaux des universités. Certaines réservent davantage de places à une filière, ce qui peut changer la donne pour les candidats.
Le premier cycle des études médicales dure trois ans, suivi d’un second cycle et des épreuves classantes nationales. Ce qui change aussi, c’est la possibilité de passerelles permettant de rebondir plus facilement d’une filière à l’autre. Mais la rigueur reste la règle. Pour avancer, il faut non seulement assimiler la formation, mais aussi s’adapter aux nouveaux mécanismes du système. Un conseil : étudier attentivement les particularités de chaque université, car leur stratégie de sélection et d’accompagnement peut tout changer sur le chemin vers les professions de la santé.
PASS, LAS, SpS : quelles voies d’accès privilégier selon son profil ?
Choisir sa filière, ce n’est pas tirer à pile ou face, mais réfléchir à ce qui correspond le mieux à son parcours et à ses ambitions. Le PASS est taillé pour les étudiants au parcours académique solide, capables d’encaisser la densité et la rigueur d’un enseignement scientifique soutenu. Avec sa majeure santé et sa mineure dans une autre discipline, il offre un filet pour ceux qui songeraient à changer de cap. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : seuls les plus endurants s’en sortent, la pression ne faiblit jamais.
La LAS attire des profils plus diversifiés : droit, lettres, sciences, psychologie… Ici, l’option santé s’ajoute au cursus principal. Cet équilibre permet de tisser des liens entre les compétences de la licence et le projet médical, enrichissant la formation de ceux qui veulent garder plusieurs chemins ouverts. Mais la validation de la licence et de l’option santé reste impérative : double enjeu, double expérience.
Dans certaines universités, comme Strasbourg ou Lille, les licences SpS (Sciences pour la Santé) font figure de laboratoire. Ces parcours généralistes mêlent biologie, chimie et sciences humaines pour offrir une base solide, tout en proposant des passerelles vers les filières médicales. Pour celles et ceux qui cherchent polyvalence et ouverture, c’est une alternative crédible.
Pour éclairer le choix, on peut schématiser les profils adaptés à chaque voie :
- PASS : profils scolaires, endurants, prêts à s’investir pleinement dès le départ.
- LAS : candidats polyvalents, désireux de multiplier les options et de croiser plusieurs disciplines.
- SpS : esprits curieux, attirés par un socle scientifique large et des perspectives variées.
Ce choix ne doit rien au hasard. Il dépend de ses forces, de son projet, et de sa capacité à absorber une diversité d’enseignements. Mieux comprendre les attendus, c’est déjà prendre une longueur d’avance.
Entre défis et perspectives : la réalité du quotidien étudiant et les débouchés après le diplôme
La réforme a rendu les parcours plus ouverts, mais le quotidien reste exigeant : rythme intense, cours magistraux, travaux dirigés, stages obligatoires rythment les semaines. Savoir gérer son temps devient une compétence clé, aussi précieuse que la somme des connaissances à maîtriser. Les universités proposent du tutorat, un accompagnement psychologique, des groupes de soutien, mais beaucoup décrivent un sentiment d’isolement face à la charge de travail qui pèse.
Un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat souligne que près de 28 % des étudiants en santé évoquent une fatigue marquée, accentuée par les incertitudes sur l’avenir professionnel. Si le diplôme d’État français garde la cote, nombre de diplômés hésitent entre s’installer dans leur région natale ou tenter leur chance ailleurs. L’espace européen, avec ses règles de reconnaissance des diplômes, élargit le champ des possibles : certains partent au Portugal ou en Europe de l’Est, d’autres choisissent de valoriser leur formation sur le territoire français.
Après le diplôme : quelles perspectives ?
Une fois diplômé, plusieurs routes s’offrent aux jeunes médecins :
- Rejoindre une clinique ou un hôpital public, un choix qui garde tout son attrait et qui a du sens pour beaucoup.
- Ouvrir un cabinet libéral, notamment dans les zones sous-dotées, avec le soutien des agences régionales de santé.
- Profiter de la mobilité européenne, rendue possible par la reconnaissance automatique des diplômes.
Comme l’ont rappelé Corinne Imbert et Yannick Neuder lors des travaux de la commission des affaires sociales, l’adaptation est permanente : les futurs soignants évoluent dans un système en mouvement, guidé par des attentes renouvelées et des réalités de terrain parfois contrastées.
La médecine ne s’arrache plus à coup de force, mais à force de détermination, de stratégie et d’adaptabilité. Le choix du parcours façonne le destin autant que la vocation. Sur cette route, chaque étudiant construit son propre passage, entre obstacles à surmonter et territoires à explorer.

